Traité de Sèvres

10 Aout 1920 – 10 aout 2020…
Un triste anniversaire, le centenaire du Traité de Sèvres

En signant le Traité de Sèvres, la Turquie reconnaissait l’appartenance à l’Arménie des vilayets orientaux où les Arméniens étaient majoritaires avant le génocide de 1915, restaurant l’Arménie dans ses droits, et lui donnant un accès à la mer (voir carte).
Le traité acceptait aussi le principe d’un tribunal international pour juger les assassins du peuple arménien.

Triste anniversaire… car le traité de Sèvres garanti par les États-Unis et les puissances de l’Entente n’a JAMAiS été appliqué.!

Vous trouverez dans les mensuels France-Arménie Magazine et Nouvelles d’Arménie Magazine des analyses sur les faits historiques qui ont marqué la période allant de la défaite des Ottomans après 1918 à la signature du traité de Sèvres, et ce qui s’est ensuite passé entre 1920 et 1923 pour aboutir au retournement de situation du traité de Lausanne avec le triomphe du Panturquisme et le nouveau découpage de l’Arménie actuelle.

Voir l’article de Lisa Romeo sur le site Les clés du Moyen Orient

Image illustrative de l’article Président de la république d'Arménie

Pour info, voir aussi l’Interview du président d’Arménie Armen Sarkissian sur ce Traité
http://armenews.com/spip.php?page=article&id_article=65196


Sèvres : version traité
par Ara Toranian le dimanche 9 août 2020
© armenews.com 2020

C’était il y a 100 ans. C’était hier. Le 10 août 1920, Mehmed VI, 36e et dernier sultan ottoman, reconnaissait le génocide («ces forfaits qui sont de nature à faire pour toujours tressaillir d’horreur la conscience humaine», disait avec lyrisme le grand vizir Damat Férid Pacha, son représentant à Sèvres). Mieux, le chef légal de l’entité turque s’engageait à déférer les criminels devant une Cour internationale de Justice et donnait son accord pour restituer aux Arméniens une partie des territoires sur lesquels ils bâtirent leur histoire durant 2 700 ans.

En somme, il faisait droit à tout ce que les Arméniens réclament depuis, faute de l’avoir obtenu en temps et en heure. Ce traité, on le sait, n’a jamais été suivi d’effets, le nationalisme turc, promu par le «Comité Union et Progrès», ayant pu renaître de ses cendres et s’imposer grâce à l’action de Mustapha Kémal. Quant aux Alliés, ils allaient sacrifier leur protégé pour s’entendre avec le nouvel homme fort sur le terrain, sans jamais se donner les moyens de faire respecter leur signature à Sèvres.

Conséquence : l’Arménie exsangue a dû se rabattre sur sa partie dite russe, qui ne représentait plus que 10% de ses territoires historiques. Et les Kurdes ont été privés d’un État. Tandis que la Turquie triomphante pouvait se construire sur l’oppression des minorités et le recel du génocide. Le vol du siècle, après le crime du siècle, exception faite de la Shoah.

Après une telle monstruosité, on comprendra que les diatribes de la Turquie et de l’Azerbaïdjan sur les «territoires occupés» par l’Arménie au Haut-Karabagh puissent laisser songeurs. Car enfin, à quoi sert l’Histoire si ce n’est à mettre en perspective le présent! Dans ce cadre, il apparaîtra que les forces constitutives du panturquisme seraient bien inspirées de faire preuve d’un peu plus de pudeur quand il s’agit d’évoquer certaines notions, qui ne sont pas à leur avantage. En particulier dans le domaine de l’expansionnisme, qui leur est consubstantiel. Sans oublier l’islamisme, jamais loin, en complément…Pourquoi en effet se limiter?

C’est du moins, la leçon que l’État turc semble avoir tirée de ses expériences passées et présentes. Le crime est payant. Et cette gratification lui sert jusqu’à aujourd’hui de boussole, tant dans sa politique intérieure qu’étrangère. Il suffit pour s’en convaincre de lire les journaux : agression contre les Kurdes, offensive en Syrie, bombardements en Irak, expansionnisme en Libye, annexionnisme en Méditerranée, menaces contre l’Arménie, Chypre, la Grèce, Israël, l’Europe, etc.

Tels sont les faits aujourd’hui. Ils s’inscrivent indubitablement dans le prolongement des pratiques d’hier. Quant à la vision théorique pour l’avenir, elle ne déroge pas à la tradition. Ainsi, le site Nordic Monitor, basé à Stockholm, a-t-il révélé à la mi-juin l’existence de deux plans turcs, datant de 2014, destinés à organiser l’invasion de la Grèce et de l’Arménie. Des informations d’autant plus inquiétantes qu’elles font écho à la situation explosive qui prévalait en août 1993 entre l’Arménie et la Turquie. Le quotidien Hurriyett écrivait alors que 50 000 soldats turcs avaient été massés sur la frontière pour «exécuter des incursions en Arménie». Pour l’État turc, rien ne se perd, rien ne se crée, et rien ne se transforme non plus…

Ce n’est pas un scoop : le respect des clauses du traité de Sèvres ne figure pas au programme d’Erdogan, pas plus qu’il ne s’inscrivait dans celui de Tansu Ciller ou de Mustapha Kemal… Ni dans la lettre, ni dans l’esprit. Et le serait-il, en particulier en ce qui concerne l’aspect territorial, qu’il faudrait vite s’interroger pour savoir ce que ça cache.

Que ferait en effet la petite Arménie démocratique de ses territoires historiques aujourd’hui peuplés de millions de Kurdes et de Turcs qui ne rêvent pour les uns que d’indépendance et qui sont pour les autres biberonnés depuis des lustres au racisme antichrétien?

Le génocide a créé un fait accompli qui, hélas, a profité à ses auteurs. Aussi, dans les circonstances actuelles, que vaut le tracé des frontières dessinées par Woodrow Wilson, hormis sa dimension symbolique? Réalisme oblige, seuls quelques groupes font commerce de cette revendication en forme de pétition de principe. Ce qui ne signifie pour autant pas que la Turquie ne doive rien restituer.

Alors, y a-t-il un bon usage du traité de Sèvres? Faut-il, comme avec la ligne bleue des Vosges, n’en parler jamais et y penser toujours? Une chose est sûre : ce document qui porte la signature des dirigeants ottomans, de la France, de la Grande-Bretagne et de bien d’autres, donne la mesure de la dette de la Turquie à l’égard de l’Arménie.

Alors bien sûr, comme l’écrivait le général de Gaulle : «Les traités, voyez-vous, sont comme les jeunes filles et les roses : ça dure ce que ça dure». Peut-être. Mais les écrits restent. Et celui-là a au moins valeur de témoignage – et de référence – sur le prix que devrait payer l’État Turc pour son crime originel contre l’humanité.


Revue de la presse arménienne du 11 au 12 août 2020
http://www.ambafrance-am.org

Réaction du MAE arménien à la déclaration du MAE turc sur le Traité de Sèvres
La presse rend compte du message de Nikol Pachinian aux participants de la conférence consacrée au 100ème anniversaire de la signature du Traité de Sèvres. Ce traité de 1920, qui n’a jamais été ratifié par la Turquie, prévoyait de donner à l’Arménie un territoire beaucoup plus vaste, y compris l’accès à la mer Noire.
Dans son message, Pachinian a décrit le Traité comme « un fait historique » qui « a préparé le terrain pour surmonter les conséquences du génocide ». Selon lui, le Traité était censé mettre fin à l’esclavage séculaire imposé par les empires en accordant la liberté et l’indépendance aux peuples de la région. « Le Traité de Sèvres, avec son 89e article, a établi et consolidé le lien historique indéniable du peuple arménien avec les hauts plateaux arméniens, où pendant des millénaires le peuple arménien est né, vivait et créait un État et une culture » a déclaré Pachinian. Dans une interview au media syrien Al-Azmenah, le Président, Armen Sarkissian, a déclaré que le Traité de Sèvres restait aujourd’hui encore un document essentiel pour le droit du peuple arménien à une résolution équitable de la question arménienne.
Les déclarations des dirigeants arméniens ont suscité une forte réaction de la Turquie : « L’honorable nation turque a envoyé le [Traité de] Sèvres au cimetière de l’histoire par sa guerre héroïque de libération, suivie du traité de paix de Lausanne du 24 juillet 1923. Il n’est pas surprenant de voir que ceux qui choisissent de tirer de l’animosité plutôt qu’une leçon de l’histoire après un siècle d’absence, espèrent que ce document les aidera. Aujourd’hui, après 100 ans, le courage d’une administration incapable de nourrir même sa propre population, de présenter le document de Sèvres que la nation turque a déchiré, est absurde ». « L’Arménie, qui poursuit son occupation illégale des terres azerbaïdjanaises depuis des années, est le véritable obstacle à la paix et à la stabilité régionales » a déclaré le Ministère turc des Affaires étrangères.
Réagissant à la déclaration d’Ankara, la porte-parole du Ministère arménien des Affaires étrangères a déclaré que cette déclaration « démontre une fois de plus l’incapacité de ce pays [la Turquie] à faire face à son passé ». « Tout en évitant d’affronter son passé et en exhortant les autres à « tirer les leçons de l’histoire au lieu de l’animosité », la Turquie poursuit sa politique traditionnelle consistant à justifier le génocide arménien et à menacer le peuple arménien de nouvelles atrocités ». Selon la porte-parole, les mesures prises par la Turquie pour saper la paix et la sécurité dans la région et sa position militaire contre l’Arménie font partie de la politique expansionniste du gouvernement turc qui vise à déstabiliser les régions voisines. « Seule la reconsidération d’une telle politique et la capacité de la Turquie à affronter le passé ouvriront la voie à une véritable réconciliation entre les peuples de notre région » a déclaré la porte-parole.


Retour sur le déni turc à l’Arménie de marquer le centenaire du traité de Sèvres!
par Garo Ulubeyan le vendredi 14 août 2020
© armenews.com 2020

Les autorités d’Erevan ont réagi avec fermeté à un communiqué du ministère des Affaires étrangères de Turquie qui se permettait de critiquer l’Arménie pour avoir marqué, le lundi 10 août, le 100e anniversaire du Traité de Sèvres, en soulignant qu’en agissant ainsi, la Turquie, une fois encore, avait montré son incapacité à faire face à son passé. La porte-parole du ministère arménien des Affaires étrangères, Anna Naghdalyan, a ainsi rappelé que «le Traité de Sèvres a été et restera un fait historique, qui ne peut être occulté ou effacé». Le communiqué était particulièrement agressif, de la même totalité que les déclarations de soutien à l’Azerbaïdjan lors des combats qui avaient opposé son allié du Sud Caucase à l’Arménie en juillet, et accusait l’Arménie d’avoir des «visées sournoises» en marquant le centenaire de ce traité par lequel l’Empire ottoman vaincu lors de la Première Guerre mondiale faisait d’importantes concessions territoriales et acceptait notamment la création d’un Etat arménien en Anatolie orientale, sur le territoire de l’Arménie occidentale. «Aujourd’hui, il est absurde qu’un gouvernement, qui est incapable de nourrir son propre peuple, se permette d’exhumer le Traité de Sèvres que la nation turque a outrepassé il y a 100 ans», indique notamment le communiqué du ministère turc des Affaires étrangères. «Ceux qui auraient l’idée de viser ces ‘objectifs sournois’ doivent savoir qu’ils échoueront face à la détermination de la Turquie à lutter pour sa survie et son existence nationale», ajoute le communiqué d’Ankara. «La leçon donnée par la noble nation turque à ceux qui oseraient envahir l’Anatolie et le puissant coup qu’elle a porté à l’impérialisme, cela est enseigné dans les manuels d’histoire. Cette lutte glorieuse a été érigée en exemple pour les autres nations opprimées», poursuit le texte du ministère turc, dans une verve très kémaliste peu compatible avec le credo néo-ottoman du président Erdogan, qui se pose il est vrai quand cela l’arrange du côté des peuples colonisés, en oubliant qu’il se veut l’héritier de l’empire colonial turco-ottoman.

Erevan a riposté en ces termes : «Curieusement, les actuelles autorités de Turquie, qui ne manquent jamais une occasion d’exalter leur héritage ottoman, réagissent nerveusement lorsqu’il est question du Traité de Sèvres, que l’Empire ottoman lui-même avait signé avec un certain nombre d’Etats, dont la République d’Arménie». «En refusant de faire face à son passé et en appelant les autres à ‘tirer les leçons de l’histoire …’, la Turquie poursuit sa politique traditionnelle de justification du génocide arménien et menace le peuple arménien de nouvelles atrocités», a indiqué A.Naghdalyan dans sa réponse. «Les actions de la Turquie contre la paix et la sécurité dans notre région et ses provocations militaires face à l’Arménie s’inscrivent dans la politique expansionniste du gouvernement turc qui vise à déstabiliser les régions voisines», a ajouté A. Naghdalyan en concluant que seules la reconsidération d’une telle politique et la capacité de faire face à son passé par la Turquie paveront la voie à une authentique réconciliation entre les peuples de notre région». Le président turc, qui ne se prive pas de dénoncer le traité de Lausanne conclu en 1923 par Kemal Ataturk qui a dessiné les contours de la Turquie actuelle, estimant qu’il a bradé l’Empire ottoman, préfère généralement ne pas évoquer le traité de Sèvre, par lequel le dernier sultan ottoman avait fait des concessions territoriales bien plus importantes que le fondateur de la République turque.


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