Dans le tumulte de la guerre en Ukraine, les bruits inquiétants qui nous viennent du Caucase risquent de ne pas être entendus. Pourtant, dans les régions frontalières de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan, les tensions ne faiblissent pas.
Avec
Vahé Ter Minassian journaliste scientifique et spécialiste de l’Arménie, auteur d’ Arménie, Chronique de la IIIe République
Tigrane Yegavian Diplômé de Sciences Po Paris et des Langues’O, Tigrane Yégavian est journaliste et arabisant.
Les tensions ne faiblissent pas dans les régions frontalières de l’Arménie et de l’Azerbaïdjan. Depuis deux mois, le Haut-Karabakh, que se dispute les deux pays, est coupé du monde.
Mais le conflit s’est compliqué depuis l’invasion de l’Ukraine. En effet, l’Azerbaïdjan a remplacé la Russie comme fournisseur d’hydrocarbures depuis que cette dernière est sous sanctions, et Moscou se désengage de son rôle historique de garant de la sécurité arménienne.
C’est aussi dans la société arménienne que les choses évoluent. Des franges entières de la population accusent le gouvernement de trahison, et l’appelle à renouer les liens avec la Russie, tandis que d’autres se lassent d’un conflit coûteux.
Nos invités éclairent aussi le rôle de l’importante diaspora arménienne et de sa mobilisation.
Le rédacteur en chef du journal Agos, Hrant Dink a été assassiné à Istanbul le 19 janvier 2007 par un nationaliste turc. Dink œuvrait pour la reconnaissance du génocide arménien ainsi que pour la réconciliation entre les peuples turc et arménien. Son assassinat a profondément affecté les Kurdes de Turquie persécutés et victimes d’assassinats politiques/racistes.
Au moment de sa mort, il était jugé pour avoir enfreint l’article 301 du code pénal turc et « avoir dénigré la turcité ». Dink a été assassiné à Istanbul alors qu’il rentrait dans les bureaux d’Agos.
Le tueur se serait présenté comme un étudiant de l’Université d’Ankara qui souhaitait rencontrer M. Dink. Lorsque sa demande a été rejetée, il a attendu un moment devant une banque voisine. Selon des témoins oculaires, Dink a été abattu par un homme de 25 à 30 ans, qui a tiré trois coups de feu à la tête de Dink dans le dos à bout portant avant de s’enfuir à pied. Selon la police, l’assassin était un homme de 18 à 19 ans. Deux hommes avaient été placés en garde à vue dans les premières heures de l’enquête policière, mais avaient ensuite été relâchés.
Un jour après l’assassinat, la police a annoncé que le tueur avait été identifié à partir de séquences vidéo de surveillance.
Les agences de presse ont rapporté que le tireur avait été identifié comme étant Ogün Samast, un adolescent né en 1990 et enregistré comme résidant à Trabzon.
12 Février 2023, André Manoukian Quintet à la Halle aux Grains de Toulouse
Jazz et Musique Arménienne, Concert organisé par ODYSSUD
Mardi 21 Février 2023,Cérémonie de commémoration du Groupe Manouchian Monument à la Gloire de la Résistance, situé aux Allées Frédéric Mistral, 31000 TOULOUSE
Jeudi 30 Mars 2023, Conférence Le Patrimoine Arménien en Péril Université Toulouse 1 Capitole dans l’amphithéâtre Couzinet à partir de 17h30
Conférence de Patrick Donabédian, chercheur au laboratoire d’archéologie médiévale et moderne en Méditerranée d’Aix-en-Provence, Clémentine Bories, professeure à l’Université Toulouse Capitole spécialisée en droit international de la culture, Martine Corral-Regourd, directrice du Master 2 Administration et Communication des Activités Culturelles et Hovhannès Guévorkian, Représentant en France de la République d’Artsakh
Lors d’une soirée exceptionnelle, le Collège des Bernardins a accueilli Sylvain #Tesson et Jean-Christophe Buisson entourés de Mgr Gollnisch, Tigrane #Yégavian, Nora #Martirosyan et Pascal #Bruckner afin de faire entendre la voix des #Arméniens et de lancer un plaidoyer pour leur venir en aide.
Le Collège des Bernardins est un espace de liberté qui invite à croiser les regards pour cheminer dans la compréhension du monde et bâtir un avenir respectueux de l’homme.
En Turquie, la mémoire arménienne s’éveille À la nuit tombée, dans la pénombre d’Istanbul, un restaurant perpétue les traditions culinaires arméniennes depuis plusieurs générations. C’est une institution. L’une des rares d’une minorité dont on a voulu effacer la trace. Dans cette cité écartelée entre Orient et Occident, la présence arménienne peut encore s’observer, à qui sait bien regarder, dans l’architecture, les arts ou la littérature. Une réussite passée sous silence. Mais aujourd’hui, parmi les Arméniens d’Istanbul, ils sont une poignée à se battre pour porter avec fierté le flambeau de leur passé.
De profonds bouleversements sont en cours dans le Caucase. L’Arménie, plus vulnérable que jamais, subit la poursuite à bas bruit d’une guerre d’anéantissement menée par l’Azerbaïdjan. Le régime de Bakou attise par tous les moyens l’arménophobie au sein de sa population.
LE DDV : REVUE UNIVERSALISTE
Tigrane Yégavian, enseignant, chercheur, auteur de Géopolitique de l’Arménie (Bibliomonde, 2022) Article paru dans Le DDV n° 689, hiver 2022
L’Arménie est-elle en danger de mort ? Cette question ne devrait pas être posée, pourtant la guerre que l’Azerbaïdjan et son allié turc mènent contre l’Arménie exsangue et les conséquences qui en découlent nous rappellent que le génocide de 1915 se poursuit, à un degré variable d’intensité.
Le seul récit fédérateur azéri se fonde sur la haine des Arméniens, une haine nourrie par le traumatisme causé par la perte de près de 15 % de la superficie du pays en 1993-1994.
Claude Mutafian à l’émission Cartes sur Table de Radio Ayp du 26 nov 2022 à l’occasion du salon du livre « Armen’livres »
A l’occasion de la publication de son dernier livre « Jérusalem et les Arméniens » Claude Mutafian nous retrace l’historique de la restauration du musée du quartier arménien de Jérusalem. Il en a fait un livre remarquable.
« Armen’livres », le salon du livre arménien organisé par la Maison de la Culture Arménienne d’Alfortville. Sont avec nous : Arax Der Kevorkian, présidente de la MCA d’Alfortville Hovig Ananian, directeur de médiathèque Claude Mutafian, historien
Historien spécialiste de l’ère médiévale arménienne, le nom de Claude Mutafian est indissociable de celui de l’ancien royaume d’Arménie cilicienne. Présent au colloque de l’Université de Lomonossov, en coopération avec la fondation pour le développement des études arméniennes « ANIV » consacré à la diaspora arménienne et à l’histoire des relations arméno russes, il s’est intéressé aux trésors arméniens du musée de l’Hermitage
Par Tigrane Yegavian
TY: Quelle est la spécificité de la collection arménienne du musée de l’Hermitage ? D’où provient la plupart des pièces ?
CM: L’origine et les provenances sont très variables. Par exemple, il y a un évangile arménien illuminé copié à Gênes autour de 1330, qui est un don de la République Socialiste Soviétique d’Arménie à l’Hermitage.
Notons aussi deux portes en bois originaires d’un monastère arménien de Crimée sur lequel il y a des inscriptions arméniennes datant du XIVe siècle. La collection arménienne de l’Hermitage compte aussi des sceaux en particulier deux uniques au monde : le sceau du prince roubénide Toros II, qui date du XIIe siècle, et un autre inscrit en grec de l’impératrice Marie Paléologue. Elle était la sœur du roi Heithum II de Cilicie et l’épouse de l’héritier du trône de Byzance. Ces sceaux, je les avais exposés à la Sorbonne en 1993 et l’évangile de Gênes au Vatican en 1999. Sans doute, la pièce la plus importante de la collection arménienne de l’Hermitage est le reliquaire de Skevra, en argent, où sont conservées des reliques de saints. Il date de 1292. Cela correspond à l’année de la chute de Hromkla, le siège du Catholicossat de Cilicie pris par les Mamelouks. Skevra était un des monastères les plus importants du royaume arménien de Cilicie. Au dos on peut lire une longue inscription qui est une sorte de poème – lamentation sur la chute de Skevra. Cette pièce d’orfèvrerie exceptionnelle avait été trouvée en Italie au XIXe siècle et achetée par un comte russe Basiliski. À son décès, l’Hermitage avait acheté toute sa collection dont le reliquaire. Pendant longtemps, ces objets étaient dispersés et pour la plupart non exposés dans le musée. Heureusement, depuis une dizaine d’années il existe une salle arménienne à l’Hermitage qui a regroupé les pièces arméniennes.
TY: Comment a évolué l’arménologie en Russie tsariste puis soviétique ? Quelle est son origine ?
CM: Il faut reconnaître que sous l’URSS, l’arménologie était assez développée. Il y avait des grands savants à commencer par l’actuel directeur de l’Hermitage Pietrovski qui a réalisé des fouilles archéologiques en Arménie. L’intérêt pour l’histoire de l’Arménie commence avec la conquête par les Russes du Caucase sud au début du XIXe siècle. Les Russes se sont trouvés directement au contact de l’architecture, des ruines arméniennes. Nicolas Mar a joué un rôle pionnier à Ani. Il y avait certes des Russes mais aussi des Arméniens vivants en Russie qui ont été très actifs. Le plus célèbre étant Karen Yuzbachian à Saint Petersburg qui avait notamment fait un travail gigantesque de traduction d’historiens arméniens vers le russe.
L’Institut Lazareff est également une preuve de l’intérêt portée à l’Arménie, la langue arménienne était enseignée au sein de cette institution qui est devenue le siège de l’ambassade d’Arménie à Moscou.
Sous le règne de Catherine II, il y eut un cas de déplacement de populations arméniennes vers les marges de l’Empire pour des raisons militaires. C’est Mgr Hovsep Akhurtian, le prélat des Arméniens de Russie de l’époque, qui lui avait conseillé de déplacer des Arméniens de Crimée et de les installer aux frontières. Deux villes furent ainsi fondées en Bessarabie : Nor Nakhitchevan et Gregoriopol, cette dernière se situe dans l’actuelle Moldavie. Cette émigration a été immortalisée encore sur un reliquaire qui s’appelle le reliquaire de Haghpart, actuellement exposé au musée d’Histoire nationale d’Arménie à Erevan.
TY : Pendant un an et demi nous avons raconté tout un pan de l’histoire des Arméniens à travers le témoignage de personnalités et d’anonymes. Quel est le regard de l’historien sur l’initiative 100 LIVES et Aurora Prize ?
CM: C’est un travail important que le vôtre. Par principe, j’ai toujours soutenu l’idée qu’il fallait sortir du ghetto arménien et s’adresser à des non-arméniens. C’est ce que j’essaie de faire constamment. Mais cela ne m’empêche pas d’accorder de l’importance aux enfants. Je fais par ailleurs souvent des conférences dans des écoles arméniennes. Il faut leur raconter des histoires, ma tâche est plus aisée grâce aux nouvelles technologies en matière d’illustration. Il est intéressant de noter au passage que dans l’histoire de la chaire d’études arméniennes des Langues’O à Paris, quasiment tous les titulaires sans exception jusqu’à la fin du XXe siècle étaient des non arméniens (Dumézil, Meyet, Macler, Feydit Mahé…). Une très bonne chose. Au XIXe siècle un des plus grands arménologues, le français Philippe Brosset travaillait à Saint Petersburg, il fut un des plus grands arménologues de son temps avec Langlois et Dulaurier.
Alexandre Devecchio reçoit Jean-Christophe Buisson, directeur adjoint du Figaro Magazine et Tigrane Yegavian, géopolitologue d’origine arménienne spécialiste du Caucase dans « En toute vérité ».
Alors que l’Azerbaïdjan orchestre depuis un mois le blocus de l’enclave du Haut-Karabakh, la communauté internationale reste passive face aux risques existentiels qui pèsent sur l’Arménie.
L’Arménie, îlot chrétien en région musulmane, est au croisement stratégique des routes commerciales, mais aussi des voies d’invasions. Conflits régionaux, diasporas, horreur d’un génocide, cette histoire mouvementée construit une forte identité. France Culture novembre 2020
À propos de la série
L’Arménie, îlot chrétien en région musulmane, est au croisement stratégique des routes commerciales, mais aussi des voies d’invasions. Conflits régionaux, diasporas, horreur d’un génocide, cette histoire mouvementée construit une forte identité.
Provenant de l’émission
Le Cours de l’histoire, Du lundi au vendredi de 9h à 10h sur France Culture
En 2015 avait lieu le 100e anniversaire du génocide des Arméniens. Durant la première guerre mondiale, plus d’un million d’Arméniens ont été exterminés en raison d’une politique génocidaire instaurée et perpétrée par les autorités en place dans l’Empire… France Culture avril 2015
À propos de la série
En 2015 avait lieu le 100e anniversaire du génocide des Arméniens. Durant la première guerre mondiale, plus d’un million d’Arméniens ont été exterminés en raison d’une politique génocidaire instaurée et perpétrée par les autorités en place dans l’Empire ottoman. Retour en quatre émissions sur ce drame considéré comme l’un des premiers génocides du XXe siècle.
Provenant de l’émission
La Fabrique de l’Histoire, du lundi au vendredi de 9h00 à 10h00 sur France Culture
Le sort de l’Arménie par Guillaume Roquette, le directeur de la rédaction du Figaro Magazine.
Je voudrais vous parler d’un pays partiellement occupé par son puissant voisin, au mépris de toutes les règles du droit international. Un pays agressé par l’armée d’un dictateur qui n’a jamais accepté les frontières nées de la désintégration de l’URSS. Un pays dont des bâtiments civils ont été détruits, pilonnés par des drones meurtriers. Un pays à qui on a volé des territoires, et qui se bat courageusement pour conserver les autres.
Ce pays, ce n’est pas l’Ukraine mais l’Arménie
Un petit pays de trois millions d’habitants, au sud du Caucase, dont l’Azerbaïdjan voisin veut prendre le contrôle. La guerre entre ces deux nations dure depuis deux ans dans une indifférence quasi générale, qui contraste douloureusement avec la mobilisation mondiale dont bénéficie l’Ukraine.
Comment expliquer cette différence de traitement de la part des Occidentaux ?
Il y a plusieurs raisons à ce deux poids deux mesures. D’abord l’Arménie est en Asie, plus loin des préoccupations des Français, sauf bien sûr de ceux qui sont d’origine arménienne et dont les familles sont souvent arrivées chez nous après le génocide perpétré par les turcs en 1915, qui fit plus d’un million de victimes. Mais il y a d’autres raisons, moins avouables, à cette coupable indifférence. Le pays agresseur, l’Azerbaïdjan, regorge de gaz. Et l’Europe en a besoin pour remplacer celui que nous ne voulons plus acheter aux Russes. Ursula Von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, a fait le voyage à Bakou pour doubler les importations de gaz en provenance d’Azerbaïdjan, qu’elle a osé qualifier de « pays fiable ».
Et puis, les Arméniens sont des chrétiens
Ils le sont même depuis 17 siècles, ce qui fait d’eux la plus ancienne nation chrétienne du monde. Autour d’eux 100 millions de musulmans, azéris, iraniens et surtout turcs, ne les portent pas dans leur cœur et c’est un euphémisme. Les pays de l’Ouest renâclent peut-être à soutenir l’Arménie de peur d’être accusés d’être des « nouveaux croisés », selon l’expression du président turc Erdogan, soutien inconditionnel de l’Azerbaïdjan.
Enfin, comble de malchance, le seul véritable allié de l’Arménie, la Russie, son protecteur historique, est aujourd’hui au banc des nations, et n’est plus en mesure de la défendre.
L’Arménie, cette courageuse petite démocratie, se retrouve donc terriblement seule. Et se demande bien pourquoi les opinions publiques occidentales, bouleversées à juste titre par le drame ukrainien, sont si peu préoccupées de son sort. Nous devrions pourtant soutenir Erevan comme nous soutenons Kiev. Ou alors, c’est que nos valeurs ne sont pas si universelles que cela.
REPORTAGE. L’Azerbaïdjan bloque la seule voie terrestre entre l’Arménie et son enclave du Haut-Karabakh, privant ses habitants de ressources essentielles.
De l’envoyée spéciale en Arméniedu journal Le Point, Marine de Tilly Publié le 12/01/2023 à 09h00 – Modifié le 12/01/2023 à 10h01 Lire l’article en pdf Lire Le Point
C’est une bande de terre de 5 kilomètres de large et de 65 de long qui, de part et d’autre d’une route de montagne en lasso, relie Goris, dernière ville arménienne avant la frontière azerbaïdjanaise, à Stepanakert, capitale du Haut-Karabakh. C’est un cordon ombilical entre la « mère Arménie » et ce qu’il reste de son « jardin noir » (kara, « noir » en turc, et bakh, « jardin » en persan), ravagé par la machine de guerre turco-azérie en 2020. Chaque jour, sur cette route qui traverse les villages de Latchine (Berdzor, préféreront les Arméniens), de Sous et de Zaboukh, vont et viennent des milliers de Karabakhtsis travaillant ou se soignant en Arménie.
Depuis la fin de la guerre et l’accord tripartite de cessez-le-feu, l’Azerbaïdjan est censé « garantir la sécurité des mouvements des citoyens à travers le corridor de Latchine« …
Par Tribune collective Publié dans Figaro Vox le 23/12/2022 Lire l’article …
FIGAROVOX/TRIBUNE – En cette période de Noël, plus de 200 intellectuels, écrivains, artistes et personnalités de la culture, dont Sylvain Tesson, Carole Bouquet et Philippe Katerine, se mobilisent pour les 120.000 Arméniens du Haut-Karabakh, menacés d’épuration ethnique par l’Azerbaïdjan.
En cette période de Noël où nous rejoindrons les nôtres, où nous nous réjouirons de célébrer la famille au-delà de toute frontière religieuse, où nous serons peut-être nombreux à avoir une pensée pour ceux qui sont seuls ou dans la souffrance, rappelons-nous que les Arméniens du Haut-Karabakh, sont coupés depuis près de deux semaines du reste du monde par l’Azerbaïdjan.
À l’heure où nos enfants découvriront leurs cadeaux, les parents des 30.000 enfants du Haut-Karabakh aspireront à une seule chose : préserver la vie, l’avenir des leurs dans ces hautes montagnes où leurs ancêtres sont nés il y a plus de deux mille ans, et leur éviter une lente asphyxie.
Après la guerre, après les bombes au phosphore, les tortures, qui ont brisé tant de vies en 2020, voilà en effet la dernière perversion conçue par la dictature azerbaïdjanaise : bloquer le corridor de Latchine, unique voie d’accès des Arméniens d’Artsakh/Haut-Karabakh vers l’extérieur. Conséquence : des familles séparées, des pénuries s’aggravant de jour en jour, l’absence de secours médicaux qui a déjà coûté une vie et menace plusieurs malades en soins critiques, dont des enfants.
SIGNATURES : Sylvain Tesson, écrivain, Pascal Bruckner, écrivain et philosophe, Michel Onfray, philosophe, Carole Bouquet, actrice, Claude Lelouch, cinéaste …
Maral, 12 ans, a déposé un dessin devant l’ONU à Erevan, pour dénoncer le blocus.
TÉMOIGNAGES – Depuis le 12 décembre, des «activistes» azéris bloquent la seule route qui relie l’Artsakh au reste du monde. Tandis que les réserves s’épuisent, les Arméniens enclavés se sentent abandonnés de tous.
«Merci, merci de prendre ce temps le week-end de Noël pour nous écouter !». Au bout du téléphone, la voix de Shant tremble d’émotion. Ce trentenaire vit à Martouni, un village à 45 minutes de Stepanakert, la capitale de la République du Haut-Karabagh. Le jeune Arménien est inquiet. Voilà 15 jours que l’enclave arménienne située en Azerbaïdjan est isolée du monde par une centaine d’«éco-activistes» azéris – ainsi se présentent-ils – qui bloquent le corridor de Latchine.
Aucune voiture ni aucun camion ne circulent depuis le 12 décembre sur cet axe vital où passent en temps normal près de 90% des approvisionnements du territoire. «On ne trouve plus aucun fruit ni légume. Les produits frais ont disparu, raconte Shant. Hier, je suis entrée dans une supérette : il restait 8 oignons et quelques ails, c’est tout. Les pâtes sont presque finies».
L’humanitaire, qui travaille pour une ONG locale, devait aller à Erevan acheter des cadeaux de Noël à près de 4000 enfants âgés de 5 à 10 ans : «Chaque année, nous récoltons des fonds pour réconforter ces enfants qui ont vu les bombes, la guerre. Ils ont tant besoin de sourire. Non seulement je ne peux plus passer le corridor, mais ma voiture ne démarre même plus car je n’ai plus d’essence».
Trouver des couches pour son bébé de quatre mois a été une aventure. «La première pharmacie n’en avait pas, la deuxième non plus. À la troisième, il restait un paquet». Alors le père de famille a pris le strict nécessaire, de quoi subsister une semaine, et laissé le reste pour le suivant : «On tient comme ça ici».
Quid d’un pont aérien ? L’aéroport de Stepanakert, pourtant flambant neuf, est hors d’usage, car l’Azerbaïdjan a menacé d’abattre tout avion qui décollerait ou atterrirait. Résultat, zéro des 400 tonnes de nourriture acheminées chaque jour n’est parvenu en Artsakh depuis 15 jours. Même l’argent liquide commence à manquer. Les autorités ont encouragé les habitants à faire leurs paiements par transactions bancaires.
avec la participation de Gaïdz Minassian Journaliste au Monde Chercheur et enseignant à Sciences Po – Paris Émission diffusée le Vendredi 16 décembre 2022 à 23h Écouter le Replay (58 min)
C’est un conflit passé au second plan depuis le début de la guerre en Ukraine. Deux ans après la guerre remportée par l’Azerbaïdjan, l’Arménie lutte désormais pour le maintien de ses frontières. De violents combats ont eu lieu entre les deux pays, faisant près de 300 morts des deux côtés.
Le ton est monté cette semaine au Parlement arménien. Il a voté une résolution accusant Bakou de couper le Haut Karabakh du reste du monde. « Les conséquences humanitaires sont graves » pour les habitants de l’enclave, affirment les parlementaires arméniens, pour qui les agissements de l’Azerbaïdjan « font reculer le processus de paix« .
A Bakou, ces réactions outrées font sourire. Le corridor de Latchine coupé ? Ce serait uniquement le fait de militants écologistes protestant contre un projet arménien d’exploitation minière désastreux pour l’environnement. « La circulation civile est libre dans les deux sens » affirme le porte-parole de la diplomatie azerbaïdjanaise, et l’approvisionnement en gaz du Haut-Karabakh a été rétabli. Mais cet incident n’est que le dernier d’une longue série.
Le cessez-le-feu signé en 2020 est régulièrement violé. Et plus préoccupant encore, un cap a été franchi les 13 et 14 septembre dernier, quand la guerre s’est déplacée sur le territoire souverain de la république d’Arménie.
Bilan : au moins 286 morts dans ces affrontements à la frontière, et l’Arménie qui espérait une protection russe en a été pour ses frais : Moscou semble vouloir ménager l’Azerbaïdjan, et a d’ailleurs signé un accord avec Bakou pour contourner les sanctions occidentales.
Dans ce contexte favorable à l’Azerbaïdjan, toujours soutenu par la Turquie, l’Arménie se sent isolée, abandonnée… mais elle n’est pas pour autant prête à céder.
Notre invité Gaïdz MINASSIAN, journaliste au Monde, chercheur et enseignant à Sciences Po Paris.
– La guerre en Arménie : la peur de la continuité du Génocide de 1915 est toujours présente, surtout après l’invasion à l’est du pays de l’armée azérie. Comment évolue la situation en Arshak libre et occupé ? Quel est le moral des arméniens d’Arménie, quel réconfort par l’Église ?
– La guerre en Ukraine : les peuples ukrainien et russe forment-ils une même nation ? Pourquoi une telle volonté des ukrainiens de sortir du joug russe/soviétique ? Comment comprendre le drame actuel à la lumière de la Foi ?
– Installation de Mgr Elie Wardé comme évêque Syriaque Catholique au Caire.
– Contempler l’art des chrétiens d’Orient avec Raphaëlle Ziadé qui vient de publier un magnifique panorama de l’Art liturgique oriental. Un très bel ouvrage chez Citadelles et Mazenod.
Édition Les Belles Lettres parution : 16/09/2022 518 pages, 940 illustrations couleurs, Index, Bibliographie Acheter 75€ Plus d’info Lire un extrait
PRÉSENTATION
Dans la division en quatre de la vieille ville de Jérusalem, le quartier chrétien et le quartier arménien sont contigus mais indépendants. Cette situation a priori paradoxale correspond bien à l’ancienneté et à l’importance de la présence arménienne. Jérusalem est en effet restée un mythe pour les Arméniens dès le IVe siècle, quand le christianisme a été proclamé religion nationale. Les relations des Arméniens avec la Ville sainte n’ont jamais cessé, pour culminer à l’époque des croisades qui donnèrent l’occasion de fonder en Cilicie, à la fin du XIe siècle, un État arménien frontalier de la Syrie franque, converti en royaume un siècle plus tard. Jérusalem abritait alors le siège d’un Patriarcat arménien et l’activité culturelle y était particulièrement intense. En témoignent la quantité et la qualité des inscriptions, des sculptures, des mosaïques, des pièces d’orfèvrerie, ou encore des manuscrits superbement calligraphiés, ornés de miniatures qui comptent parmi les chefs-d’œuvre de l’art arménien. Sous la domination des Mamelouks, la culture arménienne continua à fleurir à Jérusalem, comme on peut le voir dans les nombreux récits des voyageurs européens qui n’omettaient jamais une section consacrée aux Arméniens.
À l’heure actuelle, Jérusalem est le plus important conservatoire de la culture arménienne hors d’Arménie. Présentant les relations arméno-hiérosolymitaines dans leur contexte historique et artistique, ce livre en est un reflet. L’abondance des cartes et des tableaux généalogiques en facilite la lecture. L’iconographie y joue un rôle fondamental, le texte étant essentiellement traité en légende des images, qu’il s’agisse de reproductions de miniatures, de monuments et d’œuvres d’art, ou encore de pages manuscrites d’historiens et de voyageurs.
PRESSE
« La Jérusalem des Arméniens » : Entretien avec Claude Mutafian Nouvelles d’Arménie Magazine – 01/09/2022
Le lecteur a à sa disposition un grand nombre de scènes et de portraits sous forme de miniatures, de fresques ou de tableaux ; les monuments sont représentés par des photographies et des gravues anciennes. Enfin, la numismatique et la sigillographie sont abondamment exploitées. Nor Haratch – 01/09/2022
BIOGRAPHIES CONTRIBUTEURS
Professeur agrégé de mathématiques, Claude Mutafian a enseigné à l’Université Paris XIII et a publié une série de manuels d’algèbre avant de se consacrer, depuis 1980, à l’étude du Proche-Orient. Titulaire d’une Habilitation à diriger des recherches, il a organisé plusieurs expositions internationales, à commencer par « Le royaume arménien de Cilicie » à la Chapelle de la Sorbonne en 1993. Il est l’auteur de nombreux livres et articles, en particulier sur l’histoire et la culture arméniennes. Aux Belles Lettres ont été publiés L’Arménie du Levant (2012), La Saga des Arméniens de l’Ararat aux Carpates (2018) et Jérusalem et les Arméniens jusqu’à la conquête ottomane (1516) (2022).
Le destin de l’Arménie se joue à ses frontières. Il ne s’agit plus seulement de la défense de son patrimoine millénaire au Haut-Karabagh, mais de la destruction d’un pays et d’une culture.
Voici une remarquable émission de France Culture avec Tigrane Yégavian. Dimanche 23 octobre 2022
Tigrane Yégavian Diplômé de Sciences Po Paris et des Langues’O, journaliste et arabisant Bibliographie Podcasts dans la revue de géopolitique « Conflits »
Le destin de l’Arménie, sa foi, son architecture ancienne, la beauté de sa liturgie et de ses chants, sa force mais aussi ses faiblesses, touchent profondément ceux qui s’intéressent à l’histoire des peuples.
Dans un contexte d’abandon, de peur et de lâchetés, il est navrant de constater qu’après les meurtres et pillages de Daesh, il faille toujours se justifier pour évoquer l’innommable, ce qui ressemble à une éradication culturelle que l’on refuse de voir car teinté de « religiosité », le mot qui fait peur, le mot qui renverse les certitudes.
Nos invités proposent une cure d’humanisme et de savoir, un renversement des tendances contre la propagande et l’ignorance.
Pour la première fois, deux citoyens français d’origine arménienne appartenant à deux générations, dialoguent à bâtons rompus de sujets d’intérêts communs, notamment : le processus d’intégration, le communautarisme, le rapport diaspora-République d’Arménie, le dialogue arméno turc, le rapport aux juifs au destin si parallèle.
Vient de sortir en librairie un ouvrage en BD. Il s’agit d’une « Docu-BD » vraiment bien faite sur le génocide des Arméniens, mais aussi, au fil du livre, un résumé clair, des pages documentaires synthétiques illustrées de photographies d’archives sur l’Histoire de l’Arménie, faciles à lire.
Un Docu-BD pour comprendre facilement la complexe histoire du génocide des Arméniens tout en suivant le destin de Mikael, jeune adolescent arménien, qui devra se cacher pendant quatre longues années pour tenter d’échapper à la déportation et retrouver sa famille.
En présentant le quotidien d’une famille arménienne brisée par les déportations, la bande dessinée nous plonge avec émotion dans l’une des plus grandes tragédies du XXe siècle. Les pages documentaires, illustrées de photographies d’archives donnent à voir l’ampleur du massacre orchestré par les autorités ottomanes. Un album essentiel pour tout comprendre et entretenir la mémoire.
Un livre que vous pouvez offrir à des amis, à des jeunes ado pour leur faire comprendre de façon simple l’histoire de l’Arménie et cette première tragédie du XXe siècle