Remarquable éditorial d’Ara Toranian dans armenews.com soulignant les points positifs de l’accord de cessez-le-feu signé le 9 nov 2020
Les circonstances terrifiantes dans lesquelles la partie arménienne s’est vu imposer un cessez-le-feu qui l’a obligée à restituer des territoires conquis au prix du sang sont forcément sources de bouleversement, de frustration, voire de colère. Du fait de l’accord tripartite signé entre l’Arménie, la Russie et l’Azerbaïdjan, la République du Haut-Karabakh a été contrainte de céder sur le tapis vert des terres qu’elle avait gagnées sur le terrain, comme Kalbadjar, Aghdam et Latchin. De plus — phénomène peut-être plus grave —, «l’Arménie indépendante» perd la maitrise absolue de ses frontières sur son flanc occidental avec le Nakhitchevan et oriental avec l’Azerbaïdjan, dont la défense et le respect seront assurés par des forces russes. Dans le prolongement toutefois de ce qui existe déjà…
Ces concessions, y compris territoriales, sont-elles pour autant aussi catastrophiques qu’elles le paraissent? Justifient-elles le ton aussi triomphaliste que criminel du dictateur Ilham Aliev qui a déclaré sans ambage «j’avais dit qu’on chasserait (les Arméniens) de nos terres comme des chiens, et nous l’avons fait»? Sont-elles aussi de nature à fonder l’enthousiasme d’Ankara qui salue la «grande victoire» de l’Azerbaïdjan, au motif qu’il a «reconquis des terres occupées depuis trente ans»?
Qu’il soit permis d’en douter.
Tout d’abord les déclarations d’Aliev constituent une reconnaissance de fait de la République du Haut-Karabakh, entité non azerbaïdjanaise et dont il renoncerait donc à «chasser les Arméniens». Ensuite, Bakou a été obligé d’accepter une présence militaire russe sur un territoire qu’il dit sien. Ce qui représente pour le moins une humiliation eu égard à sa souveraineté revendiquée. Enfin la partie turque est totalement absente de cet accord dont le grand gagnant est Poutine, lequel restaure sa main-mise sur sa chasse gardée du Sud Caucase.
A cet égard, on ne peut que s’étonner que le régime Aliev, qui était en train de conquérir Chouchi après avoir réalisé toute une série d’avancées sur le plan militaire, ait consenti à cette concession sur son autorité. Ce recul ne s’apparente-t-il pas à une forme de capitulation, si ce n’est d’hommage à la résistance arménienne, qui en dépit d’un rapport de force caricaturalement inégal, a réussi à tenir tête pendant six semaines à l’armada turco-djihadisto-azérie et à lui infliger de très lourdes pertes?
L’Arménie a besoin de sérénité pour sortir de l’épreuve terrifiante qu’elle est en train de subir. Elle ne peut se permettre d’ajouter de la crise à la crise, et encore moins de laisser quelque puissance que ce soit décider du sort de ses dirigeants légitimement élus, le Premier ministre en tête.
Enfin, les moments dramatiques que nous venons de traverser renvoient une fois de plus à la solitude de l’Arménie face à la barbarie. Ils nous rappellent à nos devoirs pour battre en brèche l’indifférence et faire valoir la responsabilité de protéger le peu qu’il reste du peuple arménien sur ses terres. En ce sens, le slogan de la reconnaissance est plus que jamais d’actualité.
par Hilda le mardi 10 novembre 2020
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